Frontière, mer et îles du Vietnam

Culture-Société

La renaissance des ethnies minoritaires «Feuilles jaunes»

By VNA 25/12/2017 08:00 |

Entraînement (danse du tambour) de la troupe d’art folklorique des La Hu à Boum To.

Il y a seulement cinq ans, les habitants des minorités ethniques La Hu, Công et Mang, qui vivent sur le cours amont de la rivière Dà (rivière Noire), dans les districts de Muong Tè et de Nâm Nhùn, province de Laï Châu, menaient une vie nomade précaire et souffraient de disette chronique. Maintenant, leur vie est stable grâce aux politiques de soutien de l'État et à leur mise en œuvre rapide par l'administration de Laï Châu.

Le rêve de «descendre en aval de la rivière Dà»

Les souvenirs de ma visite dans le hameau des La Hu du district de Muong Tè, province de Laï Châu il y a près d'une décennie, m’ont hanté de nombreuses années. C'était un triste après-midi.

Les souvenirs de ma visite dans le hameau des La Hu du district de Muong Tè, province de Laï Châu il y a près d'une décennie, m’ont hanté de nombreuses années. C'était un triste après-midi.

Après une journée fatiguante à travers les collines pour mobiliser en vain les élèves de La Hu de venir à l'école, Nguyên Huu Truong, directeur de l'école primaire de Pa U, était assis dans une salle de classe au toit de chaume délabré, regardant la rivière Dà et m’a confié tristement: «Je me demande souvent pourquoi la scolarité des enfants La Hu est tellement difficile ici et quand mes élèves pourront descendre en aval de la rivière Dà et aller à Hanoi pour une formation universitaire ?».

Je suis revenu dans ces lieux pour voir comment vivaient maintenant les ethnies des «Feuilles jaunes». J’étais inquiété par le long périple (300 km) sur des routes de montagne en piteux état. Mon compagnon de voyage, un journaliste de Laï Châu, m'a rassuré: «La route de Muong Tè maintenant est bonne, ce n’est plus comme avant». Effectivement, mes craintes ont progressivement disparu le long de la route asphaltée, au bord de laquelle j’ai remarqué les nouvelles écoles spacieuses, les maisons à toits de tuiles qui avaient remplacé celles à toits de chaume.

Dans la commune de Boum To, notre voiture a passé un pont de béton solide enjambant la rivière Dà, là où autrefois se trouvait un pont suspendu. Au loin, une solide école à trois étages. La commune de Boum To est considérée comme la «capitale» du peuple La Hu. Ses 8 hameaux sont habités par plus de 3.000 personnes, représentant le tiers des effectifs des La Hu au Vietnam.

Phùng Gio Xo, la cheffe du hameau de Phin Kho, âgée de 24 ans: «Auparavant, aucun enfant du hameau n'allait à l'école. Depuis que l'État a construit des routes et des écoles et mobilisé la population locale pour construire des hameaux, cultiver le riz aquatique et élever des vaches et chèvres, les La Hu  envoient leurs enfants à l’école».

Lo Thi Nguyêt, directrice de l'école primaire demi-pensionnat N° 2 pour les enfants d’ethnies minoritaires à Boum To, acquiesce: «La commune a atteint l'objectif d'éducation préscolaire et primaire avec 100% des enfants scolarisés. Beaucoup ont été jusqu’au lycée voir le niveau  universitaire, puis sont rentrés chez eux pour contribuer au développement local».

Nous avons continué notre voyage vers la commune de Nâm Khao où vivent 65% des Công du Vietnam. Impossible de croire qu’un tel établissement confortablement équipé se trouve dans une région montagneuse éloignée comme celui-ci. Trân Thi Thuy Hang, directrice de l'école maternelle Nâm Khao, nous a révélé que l'école a été construite en 2014. Coût: plus de 5 milliards de dông, provenant du programme de réinstallation de la Centrale hydroélectrique de Laï Châu. Depuis que la nouvelle école a été construite, les Công envoient leurs enfants à l'école en grand nombre.

En plus des salles de classe spacieuses, les élèves (en semi-internat) de l’école maternelle de l’ethnie Công reçoivent chacun une allocation gouvernementale de 363.000 dôngs par mois. Une somme qui permet aux enfants de bien manger et à leurs parents d’avoir un petit pécule pour cultiver et développer l’économie familiale.

Le programme d'assistance aux minorités ethniques dans le district de Muong Tè est activement approuvé par les communautés et les entreprises. Vingroup a construit une école spacieuse et moderne pour les enfants de l’ethnie Mang dans la commune de Chung Traï, district de Nâm Nhùn.

Ly Thi Hang, une fillette de l’ethnie Mang en 9e classe, nous a dit avec confiance: «L'année prochaine, je vais passer les examens d'entrée à l'Ecole de la culture et des arts du Nord-Ouest afin d’étudier et préserver les danses de mon ethnie".

Au cours de mon voyage, je n'ai pu retrouver Nguyên Huu Truong, directeur de l'école primaire de Pa U, envoyé par l'État à l'Université de la province de Thaï Nguyên. Son rêve de voir les enfants La Hu, Công et Mang aller à l'université est devenu réalité.

La métamorphose d’une région frontalière

Dans la commune de Nâm Khao du district de Muong Tè, nous avons été invités par Khoàng Van Làn, chef du hameau de Nâm Puc, à assister à une cérémonie. Le chaman Lo Van Cho, qui effectue les principales cérémonies rituelles du hameau, a déclaré que «la vie économique des Công s'améliorant beaucoup, de nouvelles idées doivent être ajoutées dans mes prières. Par exemple, dans l'élevage des bovins et chèvres, des prières pour aucune maladie ont été ajoutées ou dans la culture du riz aquatique, des conseils tels que désherbage ou remblai du terrain … «Ces choses n'existaient pas dans les prières anciennes parce que l'élevage d'animaux et la culture du riz aquatique n'étaient pas pratiqués», a ajouté le chaman.

On nous a dit qu'en 2013, lorsque les Công ont été transférés dans des hameaux de réinstallation, l'administration du district de Muong Tè a mis en place une équipe de travail intersectorielle dirigée par le vice-président du Comité populaire du district, Trân Duc Hiên. Les membres de l'équipe sont restés avec les Công, mangeant et travaillant avec eux, leur enseignant comment cultiver le riz aquatique et élever des animaux.

Hiên a rappelé que les membres de l'équipe sont allés avec eux chercher des terrains vierges, construire des champs en terrasses pour la culture du riz aquatique, leur ont enseigné à élever des chèvres et des vaches, à planter des arbres à caoutchouc. La nuit, ils ont rassemblé les jeunes pour s’entraîner au chant folklorique et à la danse traditionnelle. Après seulement quatre ans, les Công ont plus de 200 ha de rizières aquatiques et 110 ha d’arbres à caoutchouc dans la commune de Nâm Puc. Maintenant, ils sont autosuffisants en vivres et la disette n’est plus qu’un lointain souvenir.

Même situation du côté des La Hu de la commune de Boum To. Nous avons suivi le médecin de la commune, Lê Quang Hiên, lors d’une virée dans le hameau de Phin Kho, pour l’examen médical périodique de Phùng Phi Mù, 96 ans. Elle nous a parlé de la renaissance de son peuple. Autrefois, La Hu menaient une vie nomade et précaire sur les montagnes. Ils manquaient de tout. «Même dans mes rêves, je ne pouvais imaginer vivre un jour dans une maison en bois solide, manger du riz blanc à satiété et écouter les enfants lire ce qu'ils ont appris à l'école.», a-t-elle dit.

Les La Hu ont fortement développé la culture de la canna comestible grâce au soutien de la Banque mondiale. Plus de 20ha ont été plantés, qui donnent une seule récolte par an. Phùng Gio Xo, cheffe du hameau de Phin Kho, cultive des cannas comestibles sur plus d'un hectare, gagne environ 20 millions de dongs par an, en plus des 30 millions de dongs provenant de l'élevage de chèvres et de la culture du manioc.

Nous redescendons en aval à l'intersection légendaire où la rivière Dà fusionne avec la rivière Nâm Nam, pour témoigner des changements merveilleux des Mang de la commune de Trung Chaï, district de Nâm Nhùn.

Les Mang sont considérés comme des autochtones de la région Nord-Ouest. Avant 2011, ils vivaient isolés avec comme menace, le risque de dégénérescence en raison de l'endogamie, de la vie nomade et de pratiques arriérées.

Juste cinq ans après la mise en œuvre du plan gouvernemental pour la période 2011-2020 sur le développement socio-économique des zones habitées par les Mang, La Hu, Công et Co Lao, l'administration de Laï Châu a apporté une atmosphère nouvelle aux hameaux Mang.

Les populations locales de différents groupes ethniques de Laï Châu appellent la commune de Trung Chaï le «royaume de l'élevage » car beaucoup de familles possèdent des dizaines voire près d’une centaine de vaches.

En terminant ce voyage dans des régions habitées par ces trois minorités ethniques qui avaient autrefois une vie misérable, je me suis senti heureux de la nouvelle vie dans le cours  amont de la rivière Dà. Là. Les Công, Mang et La Hu ont dépassé leur sort de «Feuilles jaunes» et sont résolument optimistes pour l’avenir./.

Texte: Thông Thiên